Auteurs : collectif EMTA
Cet atlas présente des travaux de mathématiques réalisés dans le nord de la France. Il est proposé par le groupe Enseignement des Mathématiques et Textes Anciens de l’IREM de Lille.
Il est un complément aux deux articles De la géométrie élémentaire dans les travaux géodésiques et Géométrie du cadastre et enseignement, hier et aujourd’hui.
Les projets présentés dans l’atlas
◊ 1645 – T’ Moerhof
L’abbaye des Dunes a demandé en 1645 à la famille d’arpenteurs Bersacques de Courtrai d’établir un plan terrier de ses propriétés entre Zuydcoote et Nieuwpoort.
◊ 1656 – Carte de Sanson
Nicolas Sanson, né à Abbeville en 1600 a publié de nombreuses cartes et atlas.
Cette carte datée de 1656 est centrée sur l’évéché d’Arras. Elle n’est pas aussi précise que les futures cartes de Cassini.
◊ 1667 – Siège de Lille
Au printemps 1667 les armées de Louis XIV attaquent les Pays-Bas méridionaux qui appartenaient aux espagnols.
Le siège de Lille a été victorieux et pourtant, dans un mémoire destiné à Louvois, Vauban cite Lille comme le contre-exemple des stratégies militaires. Vauban réalise des plans préparatoires destinés à une reconstitution du siège.
◊ 1668 – La mesure de la Terre
En 1668, l’Académie des Sciences confie à Picard la mesure d’un arc de méridien.
Dans un compte-rendu de 1671 intitulé Mesure de la Terre l’abbé Picard décrit les opérations géométriques qu’il a effectuées entre Malvoisine au sud de Paris et Sourdon près d’Amiens.
◊ 1681 – Le détroit du Pas de Calais
La triangulation permet de mesurer des distances entre des lieux séparés par quelque obstacle infranchissable. Picard indique comment il a évalué la largeur du Pas de Calais.
◊ 1744 – La méridienne vérifiée
En 1733, Jacques Cassini (1677-1756, dit Cassini II) se voit confier la tâche de cartographier le royaume. Il saisit là l’occasion de reprendre la mesure du méridien de Paris.
◊ 1816 – Cadastre d’Annappes
Avant la Révolution française, les diverses tentatives de proposer un cadastre général de la France n’ont pas abouti. La nécessité de réformer la fiscalité rend nécessaire l’établissement d’un cadastre, dont les modalités concrètes ne seront finalement adoptées qu’en 1807, d’où son nom de cadastre napoléonien.
Le plan de la commune d’Annappes a été levé en 1816 par le géomètre Philogone Barbotin.
◊ 1824 – Carte d’État-Major
Après la carte de Cassini, une nouvelle entreprise de cartographie de la France est lancée au début du XIXe siècle.
La feuille de Lille a été commencée en 1824 et 1825 par les lieutenants Poudra et Couthaud, tous deux formés à l’école Polytechnique.
Les outils
- Les rubriques par dates sont accessibles depuis le menu vertical de gauche. Un premier clic ouvre le volet, un deuxième clic le referme.
- permet de faire un zoom sur un plan.
- On peut choisir de synchroniser deux plans Left|Right (L|R) ou de n’afficher qu’un seul plan (L ou R).
Voici quelques pistes de lectures transversales des différents projets :
Techniques de levés de plans
Les arpenteurs utilisent traditionnellement une équerre et lèvent les plans en choisissant des directrices (1645 et 1667 pour les tranchées).
Pour des plans à plus petite échelle (territoires plus grands), les géomètres utilisent des canevas trigonométriques (1668, 1777, 1816, 1824). Cela nécessite l’usage d’un instrument de mesure des angles.
Distances inaccessibles
Il existe différentes techniques pour obtenir une distance inaccessible (à cause d’une rivière, d’une mer, etc).
La méthode générale utilise la trigonométrie dans un triangle quelconque, la connaissance d’une longueur et de deux angles permet de calculer les autres longueurs du triangle (1681).
Lorsque l’on peut s’assurer d’un angle droit, on utilise la trigonométrie des triangles rectangles (1667).
On peut aussi utiliser des triangles particuliers comme le triangle isocèle rectangle (1744).
Les unités de mesures
Le système métrique a été introduit à la révolution française. Le cadastre a été un des premiers grands chantiers utilisant ce système (1816). Avant, la toise constituée de six pieds était l’unité du royaume de France (1681, 1744) mais localement et selon les corps de métiers d’autres unités étaient utilisées. La verge de Furnes (et de Dunkerque) fait 14 pieds, la verge de Courtrai (et de Lille) fait 10 pieds (les pieds de Furnes et de Courtrai n’ont pas la même longueur) (1645).
Souvent les plans présentent plusieurs échelles. Le plan des environs de Paris introduit les « pas géométriques » de cinq pieds (1681), le plan de Sanson (1656) ajoute la « lieue d’une heure de chemin », la carte d’État Major garde une échelle en toises à côté de l’échelle métrique (1824). Ce n’est réellement qu’à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle que les mesures anciennes disparaissent des cartes.
Les angles sont traditionnellement mesurés en degrés (angles des triangles et latitudes/longitudes). Pour la carte d’État Major, les latitudes et longitudes sont mesurées en grades (100 grades font l’angle droit).
Cartographie de la France
Longtemps les levés de plans se faisaient au cas par cas selon les besoins. Plans terriers (1645), plans militaires (1667), etc.
La carte des environs de Paris (1668) a été une préfiguration d’une cartographie systématique de la France avant le grand projet de la carte de Cassini (1744) puis de la carte d’État Major (1824) qui s’appuie sur le cadastre napoléonien (1816).
Les échelles
La carte de Cassini (1744) est réalisée au 86 400e (une ligne représente 100 toises).
La carte d’État Major (1824) est réalisée au 80 000e par des jeux de réductions dichotomiques : les tableaux d’assemblage des plans cadastraux sont réalisés au 10 000e, la minute manuscrite au 40 000e et enfin l’estampe au 80 000e.
Pour les feuilles détaillées du cadastre (1816), la duplication est utilisée : 2500e pour les feuilles usuelles et 1250e pour les feuilles représentant de petites parcelles (zones urbanisées).
À partir de la deuxième partie du XIXe, les feuilles de cadastre sont passées au 2000e et au 1000e (et même au 500e pour certaines grandes villes) afin d’être compatibles avec les plans de voirie qui sont au 500e.
La mesure de la Terre
Les triangulations ont aussi eu pour but de mesurer la circonférence de la Terre.
Picard a fait les premières mesures rigoureuses du méridien de Paris (1668). Il a déduit la circonférence (360°) à partir de la mesure d’un arc d’un seul degré.
Les Cassini ont poursuivi la triangulation pour traverser la France et en particulier remonter jusqu’à Dunkerque (1744).
Un des enjeux scientifiques était de savoir si la forme de la Terre était plutôt aplatie aux pôles ou au contraire allongée.
Plus tardivement, Delambre et Méchain ont repris la mesure du méridien afin de déterminer la longueur du mètre : par définition le dix millionième du quart du méridien.
Les traces du passé
Les cartes anciennes permettent aussi de retrouver et comprendre des traces du passé.
Les plans de Vauban (1667) permettent par exemple de retrouver les vestiges d’une demi-lune dans l’actuel parc Matisse à Lille (léger relief dans la pelouse des fondations de la pointe de la fortification).
Le cadastre du XIXe siècle montre l’ampleur des politiques d’assèchement des marais par distribution de parts de marais aux indigents (multitude de petites parcelles de la même taille).
À Annappes (1816) on voit encore quelques traces des anciennes limites parcellaires dans les prairies.
Crédits
Le géoréférencement et l’interface de cet atlas ont été réalisés par Pierre Desjonquères.
Géoréférencer un plan ancien nécessite de faire des choix (points jugés fiables, déformation du plan, etc). Il s’agit d’une interprétation.
Ce projet n’a été possible que grâce au développement des logiciels libres, et en particulier :
Qgis, Gdal, Leaflet (avec les plugins Sidebar et Map.Sync), Gimp, Inkscape.